Le Nationisme

Etude de ce qui constitue chaque nation et des conséquences qui en découlent

Actualités

La rubrique "actualités" est ouverte aux apports de divers auteurs, qui viendront illustrer, actualiser, commenter, préciser, compléter, voire nuancer, l’Essai sur le concept de Nationisme, paru en 2024. Ces différents apports, postérieurs à la publication de l’Essai feront vivre et s’améliorer la « théorie nationiste », conçue pour favoriser la paix internationale et la démocratie interne.

 

L’insertion sur le site se fait sans frais mais moyennant renoncement aux droits d’auteurs après :

  1.  Prise de contact par lettre avec le Comité de lecture (CDL Henri Temple, La Poste, BP 13, 12230 La Cavalerie, France)
  2. Échange, puis accord du Comité de lecture (CDL)
  3. Accord de volontés entre le CDL et l’auteur du texte proposé
  4. Lorsqu’un texte est dépassé par les circonstances il est actualisé, ou retiré et remplacé

 

 

Plan de la rubrique : chaque nouveau texte accepté est inséré selon le chapitrage de Nationisme :

 

  1. Observation et qualification du fait national dans ses multiples dimensions
  2. Conséquences psychologiques et neurologiques individuelles du fait national
  3. Conséquences sociologiques collectives des faits psychologiques (l’identité)
  4. Conséquences sociales des faits sociologiques
  5. Conséquences socio-économiques des fonctions sociales
  6. Conséquences juridiques des faits sociaux-économiques
  7. Conséquences politiques de la conjonction des faits sociaux, juridiques et économiques
  8. Conclusion : Théorème du ''nationisme''
Conséquences socio-économiques Conséquences psychologiques Conclusion : Théorème du ''nationisme'' Conséquences juridiques Conséquences sociales Conséquences sociologiques Conséquences politiques

FIN DU MULTILATÉRALISME : FIN DE L’UE ET NAISSANCE D’UNE AUTRE EUROPE (PARTIE 2)

02/11/2025

FIN DU MULTILATÉRALISME : FIN DE L’UE ET NAISSANCE D’UNE AUTRE EUROPE (PARTIE 2)

Dans notre première partie, nous avons vu que le président Trump vient d’entreprendre le démantèlement du multilatéralisme dans les relations internationales, et donc, de ce fait, de mettre fin aussi au mondialisme ultra capitaliste qui en était le but dissimulé. Or, toute la « philosophie » économique et politique de l’UE repose, depuis Maastricht et Lisbonne, sur ces deux piliers en ruine. Alors, il semble urgent et vital de remettre en cause le système bruxellois, qui n’était plus qu’une application fédéraliste du mondialisme.


Cette réflexion doit beaucoup (avec son amicale autorisation) à une chronique de François Schwerer, juriste, spécialiste et praticien de l’économie, de la monnaie et de la finance, dans Politique Magazine (« Le politique et la technocrate », in, n° 249, septembre 2025)


Refuser de comparer ladite « stratégie de Lisbonne », à l’évidence perdante, comme chacun peut le constater, avec la stratégie Trump, serait une erreur intellectuelle et une faute politique majeure. Car, arrivé une seconde fois au pouvoir, le président Trump a effectué 4 constats exacts, dont il a déduit sa ligne d’action politique et économique, parfaitement conçue et qui semble pouvoir réussir :
– Il a d’abord constaté que les États-Unis, perméables aux migrants venus notamment du Sud, étaient plombés à la fois par l’insécurité et les réseaux criminels, et à la fois par un nombre important de travailleurs non déclarés, et donc d’autant de chômeurs américains, qui, ayant des difficultés à vivre, maintenaient dans le pays un état d’esprit morose, et pesaient lourdement sur l’essor économique.
– Puis il a constaté que la politique menée depuis cinquante ans, qui consistait à permettre à l’Amérique de consommer plus qu’elle ne produisait grâce à la toute-puissance du dollar et à la liberté totale du commerce mondialiste, avait conduit à une situation ingérable, le taux d’endettement du pays (120 % du PIB) obérant par avance toute initiative.
– Ensuite, il a constaté que ses principaux alliés (Europe, Japon) avaient largement profité de la supériorité militaire des États-Unis et du parapluie atomique, pour restreindre fortement leurs dépenses régaliennes (notamment de défense), et ainsi accroître leurs propres productions industrielles et concurrencer fortement l’économie américaine.
– Il a enfin constaté qu’un pays, la Chine, qui s’affiche ouvertement comme un rival géostratégique menaçant, s’enrichit aussi de l’appauvrissement corrélatif des États-Unis, puisque la balance commerciale avec ce pays hostile atteint un déficit annuel de 300 milliards de dollars.


Le but majeur du président Trump étant de protéger la population qui l’a élu, il a décidé de s’attaquer à ce qu’il considère comme étant la racine du mal : le déséquilibre économico-financier inhérent au modèle économique qui prévaut dans le monde actuel, modèle qui avait permis aux États-Unis de s’imposer comme leader du monde libre au XXe siècle, mais qui a fini par se refermer sur eux comme un piège. Depuis le début de sa campagne électorale, le président Trump s’était toujours montré comme un homme d’affaires pragmatique, essentiellement préoccupé de la prospérité de son pays et n’ayant que peu d’appétence pour les idéologies, quelles qu’elles soient. C’est dans ce contexte qu’il a décidé de négocier au coup par coup avec chacun de ses partenaires des accords plus équilibrés en appliquant brutalement sa méthode de négociation d’entrepreneur immobilier (the art of the deal) : on annonce à la partie adverse un objectif irréaliste que nul ne peut accepter, on fait ensuite souffler le chaud et le froid (ou push and pull) par des annonces exagérées et contradictoires ayant pour but de déstabiliser celui avec qui on négocie, et on arrive ensuite à sembler consentir des concessions en proposant ce qui était véritablement l’objectif d’origine, soigneusement caché…


Ainsi, dans le cadre de l’accord signé avec l’Union européenne en juillet 2025, il a strictement appliqué sa stratégie. Mais cette stratégie semble plus difficile à appliquer, dans le cas ukrainien, face à la Russie poutinienne, car Vladimir Poutine, tel un joueur d’échecs, est nettement moins sensible aux effets d’annonce et, en bon ancien du KGB, guère préoccupé par l’économie. Mais on peut penser néanmoins qu’une stratégie d’entreprise, ancrée dans le concret, finira par triompher, à terme, d’une stratégie abstraite et idéologique. Car l’économie et les consommateurs russes sont entrés en souffrance. Et pour autant l’« opération spéciale » (sic) qui a commencé il y a 3 ans et demi et devait ne durer que 3 semaines, ne progresse que très lentement, au prix, exorbitant désormais, du sang 66.


Comme Horace face aux Curiace, en choisissant de négocier avec chacun de ses partenaires pris isolément, le président Trump a porté un coup fatal à la fois au multilatéralisme et l’idéologie néo-libérale (ou ultra capitaliste) qui inspire les règles du commerce mondial. Évidemment cela ne peut que se répercuter sur le système de l’UE et ses traités lesquels reposent, notamment depuis le traité de Maastricht, les prétendues « valeurs » européennes qui ont intégré, y compris dans la lettre des traités, une référence à l’OMC et à un libre-échangisme généralisé entre toutes les nations du monde. Qu’elles soient petites, faibles, et pauvres, ou grandes, prospères et puissantes…


Ayant totalement supprimé la « préférence communautaire externe », initiale dans le Traité de Rome — et, a fortiori, la saine « préférence nationale — le système bruxellois met en avant les quatre libertés internes, et désormais externes (OMC) : la libre circulation des biens, des services, des hommes et des capitaux. En vertu de ces quatre libertés, n’importe quel consommateur installé dans n’importe quel pays européen peut avoir accès à n’importe quel produit ou service originaire de n’importe quel point du globe. Et n’importe quel opérateur économique peut venir concurrencer déloyalement les opérateurs nationaux (comme dans les transports, les services ou l’énergie ; et bientôt l’agriculture ?). Dans la course à la vente, ce mécanisme a été à l’origine de toutes les délocalisations — génératrices de chômage dans les pays où la protection sociale était la plus élevée — et de la dégradation sournoise de la qualité des produits vendus — les normes de sécurité et d’environnement n’ayant pas la même exigence dans tous les pays.


Les États-Unis, pays riche, ont longtemps profité des biens et services en provenance de l’étranger et d’une main-d’œuvre bon marché sur leur sol. Le dollar étant la monnaie de réserve, ils ont pu en créer autant que nécessaire pour consommer au-delà de tout besoin, jusqu’à ce que ceux qui les détenaient finissent par s’apercevoir qu’ils n’avaient en fait plus aucune valeur intrinsèque. Les dettes américaines en dollars ont atteint un tel niveau (36 300 milliards de $) que les prêteurs potentiels n’ont plus confiance en la valeur de la monnaie étalon et demandent désormais des taux insupportables… mais continuent à en accumuler faute de pouvoir les recycler. Pour rétablir la situation dans son pays, le président Trump a donc notamment décidé de faire chuter la valeur du dollar, d’imposer à ses alliés des achats contraints et d’augmenter les droits de douane sur les biens et services importés — quitte à faire baisser, un temps bref, la consommation ; mais en accroissant, à terme proche, l’emploi et le PIB.


Pour négocier les échanges commerciaux et les taxes douanières face au président Trump, les Européens ont mis leur avenir économique entre les mains d’une technocrate dont la seule préoccupation est de maintenir les « valeurs » (obsolescentes) du libre-échange. Dans un monde et une Europe surmédiatisés, du moment qu’au regard de l’opinion publique l’accord avec les Américains paraît être plus intéressant que ce qu’il aurait pu advenir si le président Trump avait mis en application les mesures invraisemblables claironnées pendant la prétendue négociation, elle pouvait proclamer que l’accord est bon ! On dit que le président américain aurait de son côté officiellement regretté que les Européens n’aient rien négocié, n’aient fait aucune contre-proposition et aient si facilement capitulé…


Pour faire bonne mesure, il en a profité pour faire intégrer dans l’accord l’obligation pour l’Union européenne d’acheter du gaz naturel liquéfié américain (plutôt que russe, pourtant moins cher et moins polluant), d’investir dans des industries américaines et d’acheter du matériel militaire américain. La fonctionnaire présidant la Commission européenne n’avait aucun pouvoir et aucun mandat pour signer ces derniers engagements, mais, trop heureuse de pouvoir afficher que les droits de douane imposés par le président américain étaient très largement inférieurs à ceux annoncés en cours de discussion et qu’ils étaient supportables par l’industrie automobile allemande, elle a tout accepté. Les pouvoirs publics des États membres de l’Union ont protesté contre cet « accord honteux », mais aucun d’entre eux n’a, pour l’instant, annoncé qu’il ne le ratifierait pas, ayant trop peur (?) d’être accusé de torpiller « l’Europe ». Ce tabou.
Mais faut-il vraiment en accuser uniquement Madame von der Leyen ? Dans cette négociation, il y avait face à face d’un côté le président légitimement élu d’un pays puissant dans lequel il a la responsabilité du bien commun ; et de l’autre côté, la présidente de l’organe administratif d’un agglomérat de pays aux intérêts divergents et n’étant unis par aucun principe fédérateur (culturel, sociologique et démocratique). Ursula von der Leyen, ne représentant pas une nation, ne peut défendre qu’une opinion particulière, voire une idéologie, ou les intérêts de l’Allemagne, alors que Donald Trump, président d’une Nation, a été investi du pouvoir d’en défendre les intérêts. La technocrate n’a derrière elle aucune force organisée et indépendante pour faire valoir son point de vue — pas même une unité de vue et d’intérêts entre les divers pays qu’elle est censée représenter — alors que le président américain peut s’appuyer sur un État puissant, notamment sur les plans technique, économique et financier, sur l’armée la plus forte du monde et une opinion publique, très fluctuante (comme si elle attendait les résultats), mais qui adhère encore, un an avant les midterms. Dès lors, si les États membres de l’Union européenne considèrent que cet accord von der Leyen/États-Unis n’est pas conforme à leurs intérêts personnels, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes dans la mesure où ce sont eux qui ont abdiqué leur souveraineté entre les mains de la représentante d’une entité artificielle… laquelle ne se prive pas d’outrepasser ses pouvoirs sans que personne ne le lui reproche sérieusement.


Pour conclure, il est temps de censurer la Commission von der Leyen (sans préjudice de possibles et diverses poursuites judiciaires), et de sauver l’idée européenne en rendant la parole aux Nations ; puis, après avoir aboli les traités qui ont échafaudé l’usine à gaz toxiques bruxelloise, de rebâtir une nouvelle Europe confédérale de Nations souveraines, adaptée au nouveau contexte mondial et tirant les leçons de ses échecs. Le continent européen et ses 500 millions de citoyens redeviendra alors ce qu’il a toujours été dans l’Histoire : un lieu de diversité, de liberté, et de grande innovation intellectuelle et technique. Un partenaire et non un vassal des Amériques et leur milliard d’habitants, qui parlent 4 langues européennes, sont héritiers de la même religion et respectent des valeurs occidentales communes.


Sur un sujet aussi grave, car il engage notre avenir de Français, dans l’Europe et dans le monde, il est bon qu’il y ait des débats intenses et de qualité. Une vision. Car, pour en avoir tant commis, la France, au bord du gouffre, n’a plus droit à la moindre erreur. Car le temps presse. Inspiratrice de la CEE, c’est à elle de faire des propositions pour repenser l’organisation de notre prestigieux continent et la relation que les peuples — y compris britannique — vont pouvoir enfin renouer, en toute souveraineté.

 


 
Post Scriptum par H.T. (11/11/25)
Cette étude s’appuie sur ce que l'on sait :
- des tactiques de Donald Trump (assez faciles à comprendre si on accepte l'idée qu'il faut les analyser),
- de ses objectifs géopolitiques et économiques assez clairement définis, sur sa demande, par son Conseil économique (Council of Economic Advisers : CEA). Ce CEA, composé d'une douzaine d'experts, est dirigé par Stephen Miran, Pierre Yared, et Kim Ruhl. cf.: Stephen Miran, A User's Guide to Restructuring the Global Trading System (nov. 2024).

FIN DU MULTILATÉRALISME : CRÉPUSCULE DU MONDIALISME (PARTIE 1)

01/11/2025

FIN DU MULTILATÉRALISME : CRÉPUSCULE DU MONDIALISME (PARTIE 1)

Après le 25e sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui s’est tenu en Chine, à Tianjin du 31 août au 1er septembre 2025, l’ancienne ambassadrice de France à Pékin et à Moscou, Sylvie Bermann, a accordé un long et intéressant entretien au JDD (« Nous vivons la fin du multilatéralisme et de l’ordre ancien », JDD 07/09/2025). Si l’on approuve la teneur générale de ses analyses, il est néanmoins possible de proposer des nuances, voire des désaccords, à certains de ses propos. Et de son côté, Pierre Lellouche (ancien secrétaire d’État au Commerce extérieur), dans Valeurs actuelles, tire du même sommet de l’OCS une chronique très pessimiste sur notre avenir géopolitique (« Le dragon et l’éléphant », VA 10/09/2025).


Or, il n’y a pas que le multilatéralisme qui prend fin, mais aussi le mondialisme. Et nous ne serons pas aussi pessimistes et négatifs vis-à-vis du président Trump, ni en ce qui concerne le futur de la France dans ce qui sera inévitablement une Nouvelle Europe, à reconstruire.


La première question du JDD à Mme Bermann porte sur un « éventuel basculement de l’ordre mondial en faveur des pays du Sud global » après la déclaration de Xi Jinping appelant à la « reconstruction d’un système de gouvernance globale plus juste et plus raisonnable », en partenariat avec la Russie et l’Inde notamment. Venant du chef d’une gigantesque ploutocratie communiste dictatoriale, cet appel est surréaliste. Pour Mme Bermann, « en tout cas c’est la fin du multilatéralisme et de l’ordre ancien ». C’est vrai et c’est très important. Mais c’est partiel, car il n’y a pas que le multilatéralisme qui prend fin, mais aussi le mondialisme.


Le multilatéralisme était une praxis convenue en politique internationale, dont le but était de créer des cadres institutionnels supranationaux et des règles obligatoires dans les relations interétatiques. Quant au mondialisme, c'est une doxa économique libre-échangiste, pour le commerce mondial, inspirée des théories de Ricardo (fin XVIIIe siècle). Des théories sommaires et lacunaires qui favorisent l’enrichissement des grandes entreprises commerciales, mais pas la « richesse de nations », chère à Adam Smith. C’est le multilatéralisme qui avait permis d’imposer le mondialisme ultra capitaliste sans passer par les démocraties nationales, exclues de cette décision néfaste pour elles.


Mais Mme Bermann ajoute deux réflexions plus discutables : Premièrement, selon elle, les États-Unis « se détachent progressivement des valeurs occidentales ». Opinion qui ne serait défendable que si on considérait que le multilatéralisme est une « valeur occidentale »… Or le multilatéralisme a le plus souvent été imposé aux Nations (Bretton Woods, GATT, UE, Lisbonne, OMC, Mercosur, etc.), en dehors de toute approbation populaire. C’est-à-dire, si les mots ont un sens, en bafouant la valeur occidentale majeure, la liberté, et ses applications : Souveraineté, Démocratie, Indépendance. Dès lors, peut-on soutenir qu’en se détachant du multilatéralisme, Donald Trump s’écarterait des valeurs occidentales ? Et s’il s’en rapprochait plutôt ? Comme d’ailleurs dans sa lutte contre le wokisme, le narcotrafic, l’immigration illégale, le libre-échangisme, l’interventionnisme… Bref, sa lutte contre tout ce qui abîme et détruit les valeurs occidentales. Et les États-Unis…


La deuxième réflexion, bien dans l’air du temps, est que « l’influence des pays dits du “Sud global” ne cesse de croître ». Ce qui induit un recul corrélatif de l’« Occident global » (si ce terme existe). Et il est de fait que la Chine, l’Inde, le Brésil sont devenus, grâce à leurs masses démographiques, leurs étendues géographiques, leurs ressources naturelles, des puissances considérables, ce qu’ils n’étaient pas il y a 50 ans.


Au demeurant, le concept néologique de Sud global est très flou, hétérogène, et intrinsèquement fragile : en effet, que ce soit la Chine, la Corée du Nord, l’Iran, la Russie (est-elle dans le sud !?), il s’agit de dictatures très oppressives, susceptibles de subir de brusques changements de régime (limogeage, coup d’État, révolution). Si le lecteur de ces lignes devait soudain chercher un asile politique, se rendrait-il dans une de ces dictatures ? Ou en Occident ? Quant à l’Inde, en hostilité frontalière depuis toujours avec la Chine (et dans la vallée de Galwan en 2020), elle n’était à Tianjin que parce son fournisseur d’énergie (la Russie) y était et pour affirmer son indépendance vis-à-vis des États-Unis qui veulent taxer ses produits. Mais l’Inde s’imagine-t-elle trouver en Chine, sa concurrente, un débouché à ses produits si les États-Unis les surtaxaient ? Alors qu’un Iran libéré des Mollahs pourrait compenser les fournitures russes d’hydrocarbures (82 % des Iraniens veulent se débarrasser de ce régime aux abois).


La deuxième question du JDD était de savoir si « les États-Unis peuvent encore espérer détacher la Russie de l’orbite chinoise ». Pour Mme Bermann, « Vladimir Poutine exerce une fascination sur Donald Trump, qui apprécie ses talents d’autocrate ». Mais elle « ne croit pas du tout que Trump puisse détacher la Russie de la Chine, car chacun de ces deux pays trouve un intérêt dans ce partenariat stratégique ». Pourtant, ces dictatures sont à la merci, comme toute dictature, on l’a dit, de changements soudains et brutaux de régime ou de tyran ; et donc, ce partenariat est, aussi, tributaire de la longévité physiologique ou politique des deux chefs d’État. Qui peut anticiper de ce qui se passera en Chine, en Russie, en Iran d’ici 5 ans ? En outre, et bien plus encore, ces pays sont tributaires de leurs clients, de leurs exportations : de gaz et pétrole pour la Russie et l’Iran, de sa production manufacturée pour la Chine. Et la dette de la Chine atteint (en 2023) 275 % de son PIB !


On jugera, dans les jours et semaines qui viennent, de la détermination des États-Unis face à l’obstination guerrière de Poutine, mais, d’ores et déjà, la livraison en octobre 2025 de 3400 missiles US lourds (ERAM) est un indice fort : Trump n’aime pas qu’on se moque de lui et de la première puissance du monde comme on le fait, depuis des semaines (pas très intelligemment), au Kremlin. Quant à la société chinoise, très hétérogène et prompte à la colère, résisterait-elle à une baisse massive de ses exportations et donc de son emploi et de son PIB ? Pour Pierre Lellouche également, « l’alliance russo-chinoise est devenue réalité ». Ukraine oblige ; et on sous-entend à cause de Donald Trump. Et pas de Biden qui a encouragé la guerre contre la Russie ? Mais jusqu'à quand l’axe Moscou-Pékin ? Car la mécanique des fluides joue aussi en matière démographique : la Russie c’est 8 habitants au km² face à la Chine, 140 hab/km². Ou encore 140 millions de Russes (dont beaucoup d’Asiatiques) face à 1 milliard 400 000 Chinois (dix fois plus) ; que se passerait-il à terme sur les 4300 km de frontière entre les deux pays ? Une Chine dont le PIB pèse 18,7 billions de dollars, contre 2,17 pour la Russie (chiffres BM, 2024 ; et, pour info, 17 billions pour l’UE).


Or, il se produit aussi, simultanément, un autre séisme planétaire : la fin du mondialisme qui commence désormais (le mondialisme était le but, le multilatéralisme étant le moyen) se fera comme un château de cartes. Tous les pays prendront des mesures pour préserver leur outil national de production, renouant avec les sages conseils des grands économistes : Adam Smith, Jean-Baptiste Say, Friedrich List, John M. Keynes, Maurice Allais, Joseph Stiglitz… Alors, vers où exporteront les pays dont l’essor est essentiellement fondé sur l’exportation ?


Il ne faut pas schématiser aussi rapidement la géostratégie économique du président Trump. À la différence de ce qui se passe en France, où nos politiciens savent tout, les grands politiques américains prennent conseil d’éminents universitaires. La ligne antimondialiste, qui est celle du Président Trump, doit beaucoup au Pr. John Mearsheimer pour la géopolitique, et aux Pr. Peter Navarro et Stephen Miran pour l’économie, les droits de douane et les relocalisations. Il est bien trop tôt (après seulement 8 mois d’exercice du pouvoir) pour conclure s’il a pu corriger ou non la ligne que les États-Unis suivent depuis des décennies, et qui était à bout de souffle.
La troisième question du JDD touchait au message guerrier que la Chine a voulu faire passer avec son gigantesque spectacle militaire, pas très adapté aux thèmes de l’OCS. Mme Bermann souligne, à juste titre, la grande progression de l’armée et de l’armement chinois, avec un budget militaire qui est du 1/3 de celui des États-Unis. Mais 1/3, est-ce suffisant, pour autant, pour estimer que la « Chine a largement rattrapé son retard » ? La Chine n’est pas une nation guerrière. Ses derniers conflits, elle les a perdus : contre la Russie (1929 et 1969), contre le Vietnam (1979). La Chine, n’a pu ou voulu s’emparer des îles Kinmen (Quemoy), dépendantes de Taïwan, à quelques kilomètres seulement des côtes chinoises : va-t-elle tenter de s’emparer de la montagneuse Taïwan, distante à 200 kilomètres d’une mer difficile, et qui sera appuyée par ses alliés : États-Unis, Japon, Corée et tous les pays libres du Pacifique ? Les grandes difficultés de la Russie en Ukraine, pourtant contiguë, sont de nature à inciter la Chine à la prudence militaire. Mais si, au lieu de voir la montée en puissance de la Chine comme exclusivement braquée contre les États-Unis, la Chine n’essayait pas, plus simplement, de dominer implicitement sa voisine, la Russie qui a tout ce qui lui manque : des ressources et de l’espace. Une Russie, affaiblie par son aventure ukrainienne, pourrait-elle refuser à Pékin ce qui lui serait demandé ?


Par ailleurs, si Pierre Lellouche additionne les puissances nucléaires du « Sud global » (Russie, Chine, Inde, Pakistan), ne faut-il pas observer que l’Inde est à la fois rivale de la Chine, et en conflit chronique (religieux et frontalier) avec le Pakistan ? Y a-t-il vraiment addition ? Que ferait la grande démocratie au moment fatidique ?


Enfin une quatrième question est soumise à Sylvie Bermann : « Les Européens sont-ils définitivement hors jeu dans le nouvel ordre mondial qui se dessine ? » Pour Sylvie Bermann, « cela devient très difficile ». L’ancienne ambassadrice « ne voit pas comment les Européens peuvent peser à l’avenir s’ils ne s’engagent pas dans un processus de réarmement massif. » Soit , mais avec quel argent, notamment en France surendettée ? Donald Trump, lui, l’a parfaitement compris, c’est d’abord la prospérité économique qui permet d’abonder l’armée, la recherche et l’industrie de défense. L’argent est le nerf de la guerre, ce qui n’exclut ni le renseignement, ni la technologie, ni la stratégie.


Or, la prospérité d’un pays à hauts salaires, à frais sociaux et écologiques importants, implique une protection suffisante des entreprises nationales, au besoin par des taxes douanières ajustées juste assez pour égaliser les conditions de la concurrence et éviter que les filières stratégiques disparaissent ou délocalisent. En d’autres termes (et Sylvie Bermann n’en parle pas), l’Union européenne (excrétion de l’ancien ordre mondial à présent périmé) doit très vite se transfigurer, abroger les actuels traités, en penser de nouveau, pour devenir une structure confédérale. Cette structure associera (au lieu de les dissoudre dans un magma) de fortes nations souveraines et démocratiques qui protégeront leurs intérêts économiques communs vitaux face à la Chine, à la Russie, et même aux États-Unis…
Certes le monde a changé et l’énorme avance technologique et économique de l’Europe d’il y a 100 ans s’est beaucoup réduite, mais il ne faut pas nous sous-estimer : avec ses 500 millions d’habitants, ses deux armées nucléaires et une bonne cohérence culturelle, elle peut se ressaisir, comme elle l’a fait en 1945. Ce à quoi le président et le vice-président américains ne cessent de l’inciter.
Car l’UE bruxelloise telle qu’elle est un terrible échec conceptuel et pratique : rappelons les vantardises, sottises, connivences et bourrages de crâne du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000. Ladite « stratégie de Lisbonne », prétendait faire de l’UE, en 2010, « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale »… Un galimatias grotesque et mensonger.


Un tel colossal échec en tous domaines signe la fin de l’UE et convoque les Nations à une autre Europe, bien plus réaliste et intelligente.

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